J’étais inscrite sur de nombreux sites en ligne d’emplois ivoiriens. Rmo emploi, educarriere, agepe, emploici net, rci job…restaient mes favoris. Je pouvais recevoir en moyenne plus de cent notifications. Dès qu’une société publiait une offre d’emploi, mon téléphone m’alertait. Je débutais avec enthousiasme la lecture des offres dans mon domaine de formation. Je terminais toujours déçue. Le refrain final me dégoutait : avoir plusieurs années d’expériences.
Je ne comprenais pas le système de recrutement des entreprises. Elles mentionnaient toujours dans leurs offres d’emplois en gras : trois années ou plus d’expériences dans le domaine. À toutes les demandes d’emplois auxquelles je postulais, ils exigeaient des années d’expériences. Mais où trouver ces années d’expériences ? À part mes expériences dans les concours de beauté, je n’avais aucune autre expérience professionnelle. Mon monde se résumait à la mode, aux galas, et côtoyer les acteurs du showbiz.
Malheureusement, la majorité des entreprises ne donnaient aucune chance aux débutants. Il était très difficile pour une personne qui sortait fraîchement d’une école d’être recrutée. De nombreux jeunes stagiaires supportaient les abus des patrons dans les entreprises juste pour avoir de l’expérience. Des stages s’effectuant sur de long mois et parfois non rémunérés. Les entreprises oubliaient souvent que ces personnes expérimentées qu’elles convoitaient avaient bien commencés dans une entreprise sans expérience.
Je commençais à comprendre les réalités de la vie. Ma beauté physique m’ouvrait les portes lorsque je postulais aux stages. D’ailleurs, qui pouvait résister à ma belle plastique si innocente que j’affichais sur mon CV ? Le problème, cependant, restait l’embauche. J’étais toujours conviée pour des entretiens. Je ressortais pour la plupart du temps avec peu d’illusions. Je balbutiais très souvent sur les questions des recruteurs; surtout lorsqu’il s’agissait des sujets en relation avec les médias.
Je regrettais mes nombreuses heures d’absence pendant ma formation. Je maudissais tous ces hommes d’affaires qui m’avaient promis un travail. Des promesses qui se volatilisaient comme une traînée de poudre après une nuitée enflammée. Les paroles des hommes d’affaires étaient identiques aux promesses des hommes politiques en période d’une campagne électorale. Aussitôt élus, les promesses passaient aux oubliettes. Certains ne se gênaient même pas pour changer de numéro.
Aucun d’eux n’avait usé de ses relations pour m’insérer dans une entreprise. Pourtant, j’avais accompagné gracieusement nombreux d’entre eux à des dîners galas, des remises de dons ou encore à des œuvres caritatives. Ils avaient tous disparus comme par magie à la fin de mon mandat. Je les apercevais à la télévision en compagnie d’autres jeunes filles moins âgées que moi.
Mes amies pensaient que le fait d’être couronné Miss m’offrait tout ce que je désirais. C’était mal connaître cet univers. Cependant, j’avoue qu’au cours de mon mandat, j’avais l’accès facile à plusieurs personnalités influentes du pays. Les vieux français friqués, les libanais et même les stars du football étaient à mes pieds. Mais avoir recours à leurs services avait un prix à payer. Rien ne se faisait gratuitement.
Je me souvins encore de mon dernier entretien pour une chaîne internationale canadienne basée à Abidjan. Elle recherchait une journaliste pour animer un programme sur les violences en société africaine. C’est avec des yeux remplis de leurre que je lus l’annonce. En effet, c’était la toute première annonce que je découvrais où l’entreprise n’exigeait aucune expérience préalable aux candidats. Je m’empressai pour postuler. J’étais convaincu que cette fois-ci, j’en ressortirai avec le poste. Effectivement, je fus immédiatement contactée par l’entreprise CanalC sise dans le quartier d’Angré. Et cela trente minutes après avoir envoyé par courrier électronique ma lettre de motivation et mon curriculum vitae.